La vape dix ans après : la cigarette électronique fait le bilan


La vape dix ans après : la cigarette électronique fait le bilan

Au tournant des années 2010, la cigarette électronique faisait une entrée remarquée dans nos vies. Les boutiques de vape fleurissaient rapidement, proposant une alternative au tabac, avec de belles promesses, mais aussi des interrogations. Le vapotage pourrait-il être un nouveau chemin vers une diminution de la consommation de tabac et vers le sevrage tabagique ? Comment peut-on juger de la dangerosité de ce nouveau produit sans recul ? La vape durera-t-elle dans le temps face à l’énorme industrie du tabac ? Après une décennie d’expérimentation, certaines de ces questions trouvent réponse. Alors, la vape dix ans après, où en est-on ? Quel bilan pouvons-nous tirer ?

La vape dix ans après : de l’effet de mode à l’effet de masse

La vape a connu un énorme effet de mode lors des premières années de mise sur le marché. On ne comptait plus le nombre de boutiques ouvertes. Dix ans plus tard, certains y ont forcément laisser des plumes, mais force est de constater que la cigarette électronique a fait mieux que de survivre. La filière est de plus en plus mature et les chiffres le prouvent. En France, fin 2018, on estimait que le business de la e-cigarette génèrerait 820 millions d’euros en 2020 et 1,3 milliard à l’horizon 2023. Le tout avec un potentiel de croissance annuelle de 10 à 15%. « L’effet de nouveauté est probablement passé et l’usage est désormais ancré sur le long terme », constataient en 2017 les chercheurs de Santé Publique France.

La mode est passée mais la pratique reste et se développe. Les vapoteurs se comptent désormais par millions et ce, malgré la mauvaise image que continuer de véhiculer la cigarette électronique. En septembre 2020, un sondage BVA pour le sommet de la vape donnait des résultats étonnants. 58% des Français considéraient alors la vape aussi voire plus dangereuse que le tabac. Plus surprenant encore, ils étaient 78% à penser que la nicotine est cancérigène. Un travail d’éducation et de sensibilisation semble encore nécessaire, plus de dix ans après.

Cependant, l’année 2019 fut marquée par une polémique venue des Etats-Unis et fortement relayée en France. Celle-ci a pu avoir un impact sur l’opinion générale, comme sur le marché. Nous le verrons plus tard dans cet article. À titre de comparaison, au Royaume-Uni la même année, 26% des Britanniques estimaient que le vapotage était autant ou plus nocif que le tabagisme. 45% trouvaient la vape moins, voire beaucoup moins dangereuse que la cigarette.

Qui sont les vapoteurs aujourd’hui ?

La vape dix ans après nous donne un aperçu de ses utilisateurs. Ils seraient trois millions de vapoteurs en France, selon des données européennes de mai 2017. Une estimation, tant les chiffres disponibles à ce sujet sont rares. À l’occasion de la Journée Mondiale Sans Tabac de mai 2019, Santé Publique France notait qu’en 2018, le pays comptait 3,8% d’utilisateurs quotidiens (environ 2,5 millions), contre 2,7% en 2017. Au Royaume-Uni, où les pouvoirs publics font partie des plus ouverts sur la question du vapotage, 3,2 millions de Britanniques utilisaient la cigarette électronique en 2020, soit 6,3% de la population. Un chiffre qui a triplé entre 2011 et 2018, avant de connaitre une légère baisse.

Le profil des vapoteurs

Dans son baromètre 2017, Santé Publique France a publié des données très claires sur le profil des vapoteurs. L’utilisateur de cigarette électronique type est plutôt de sexe masculin et diplômé. Surtout, les vapoteurs ont quasiment tous eu une expérience préalable avec le tabac. La moitié d’entre eux se compose d’anciens fumeurs. L’autre moitié de fumeurs occasionnels ou quotidiens, aussi appelés vapofumeurs. « Dans les chiffres de Santé Publique France, on constate que chez les adultes, les vapoteurs réguliers qui n’ont jamais fumé représentent une part infime. C’est à la limite du mesurable. On est en dessous de 1% », expliquait en septembre 2019 Claude Bamberger, président de l’Aiduce (association indépendante des utilisateurs de cigarette électronique), au micro de Sud Radio.

Autrement dit, on ne commence pas par la vape. « 80% des personnes ayant vraiment commencé à fumer – disons cinq paquets achetés et fumés – vont continuer à fumer toute leur vie. On n’a pas de statistique sérieuse sur le nombre de vapoteurs qui ont commencé la vape sans avoir fumé avant. On est en dessous de 1% », assène encore Claude Bamberger. En revanche, on en a sur les vapoteurs exclusifs. De 23% en 2014, ils sont passés à 41% en 2016, selon le baromètre de Santé Publique France. Un chiffre qui a probablement continué à grimper ces cinq dernières années. Enfin, seuls 12% des vapoteurs n’utilisent des e-liquides sans nicotine. Côté matériel, au Royaume-Uni en 2018, les cigarettes électroniques avec clearomiseur étaient privilégiées à 77%. Mais l’augmentation de la vente de pods tend à réduire ce monopole.

La cigarette électronique et le sevrage tabagique

Alternative à la cigarette et ses dérivés, la vape a beaucoup été mise en avant pour « arrêter de fumer ». Quel bilan est-il possible de tirer après dix ans de pratique ? « Parmi les outils d’aide au sevrage tabagique, la cigarette électronique est le plus utilisé par les fumeurs pour arrêter de fumer », écrivait Santé Publique France en mai 2019. Selon ce même organisme cité par Le Figaro, en sept ans, la vape aurait permis « à 700 000 fumeurs quotidiens à mettre un terme à leur dépendance ». Pour France Vapotage, ils seraient 1,9 million à avoir réduit leur consommation de tabac. Au Royaume-Uni, 54,1% des utilisateurs de e-cigarette ont arrêté définitivement le tabac.

« Quand on fume du tabac et de la nicotine dans l’heure du lever le matin, il faut remplacer cela par de la nicotine non fumée. Que ça soit de la vape ou des médicaments pour arrêter de fumer, c’est pareil », expliquait le pneumologue Bertrand Dautzenberg à Sud Radio. « Beaucoup de mes patients utilisent patches et cigarette électronique pour arrêter de fumer. D’abord les symptômes du tabac disparaissent. Et pour une grande partie d’entre eux, au bout de quelques mois ils n’ont plus besoin de nicotine, ou en toutes petites doses. Nombreux sont ceux qui arrêtent tout. Notamment les plus de 45 ans qui veulent arrêter de fumer. Ceux-là prennent la cigarette électronique six mois et arrêtent. »

La vape dix ans après montre donc qu’elle est d’une grande aide pour lutter contre le tabagisme. On estime à 4 à 5 milliards le nombre de cigarettes non fumées en France depuis les débuts de la cigarette électronique.

La vape dix ans après : le bilan santé

La grande interrogation autour de la vape a toujours été celle de sa potentielle nocivité. Une décennie plus tard, force est de constater qu’aucune étude convaincante n’a pu prouver une réelle dangerosité.

Du moins, à moyen terme. « Pour un fumeur, c’est infiniment moins dangereux que de fumer. Il n’y a pas de discussion : passer à la vape, c’est moins dangereux. Même si ce n’est pas ce que les gens pensent en France… La cigarette électronique est un tout petit peu nocive pour la santé, le tabac a une chance sur deux de vous tuer. Le niveau de danger n’a strictement rien à voir. La vape n’est pas un produit qu’on doit prendre quand on n’est pas fumeur. Quand on l’est, il n’y a pas de question à se poser », tient à préciser le Pr. Bertrand Dautzenberg. En 2019, un événement est pourtant venu jeter une chape de plomb sur le milieu.

L’inquiétude américaine de 2019

« Le vapotage, c’est l’un des sujets les plus étudiés et sujet à publications. Mais il est aussi sujet à d’énormes financements de recherches. On a, à ce jour (2019, ndlr), deux millions d’études sur le sujet. Aucune étude depuis dix ans ne prouve un danger sérieux pour la santé. Près d’un milliard de dollars auraient été investis par des gens voulant prouver que c’était nocif », expliquait Claude Bamberger, de l’Aiduce. Alors, quand en septembre 2019 plusieurs personnes sont mortes des suites de pneumopathies sévères aux Etats-Unis, le mot « épidémie » a vite été associé à la cigarette électronique. Ces « premiers morts » de la vape annonçaient-ils une hécatombe ? La presse en a fait ses gros titres. Et pourtant, c’est bien le contenu et non le contenant qui étaient en cause.

Les coupables ? Des « liquides de vapotage achetés sur le marché noir et coupés avec de l’acétate de vitamine E, une substance potentiellement nocives », écrivait la presse française, citant une étude du New England Journal of Medicine. Mais le mal fut fait pour l’image de la cigarette électronique. Des mois plus tard, 66% des Américains sondés pensaient encore ces décès imputable au vapotage nicotiné. La France, elle, a connu une baisse notable des recettes en septembre 2019 de l’ordre de 20 à 30% et une augmentation de 8% de la vente de… cigarettes. Un chiffre qui baisse pourtant constamment ces dernières années.

Des études globalement rassurantes

Malgré ces poussées de fièvre médiatique, les études restent très rassurantes. « Au niveau danger, ce n’est pas plus dangereux que de mettre un peu trop de sel dans son alimentation ou manger trop de viande rouge. C’est un niveau de danger à la limite acceptable, qu’il faut étudier, qu’il faut connaître et qu’on regarde », vulgarisait le pneumologue Bertrand Dautzenberg. La vape dix ans après, sans usage détourné, n’a donc pas prouvé une grande nocivité. En tout cas, rien de comparable avec le tabac. Les seuls décès enregistrés à ce jour sont dûs à un matériel défectueux, un liquide frelaté, pas à la vape en elle-même. Et leur nombre n’excède pas quelques dizaines, tant les cas sont rares, face aux dizaines de millions d’utilisateurs.

Si vous ne laissez pas cramer votre cigarette électronique, ce n’est pas dangereux. Si vous la laissez cramer, on arrive, dans des conditions expérimentales, à produire des substances toxiques », ajoutait le Pr. Bertrand Dautzenberg. Mais ces expérimentations ne sont « pas réalistes ». Elles s’appuient sur la potentielle utilisation d’un matériel très défectueux pendant des dizaines d’années à fréquence élevée. Votre cigarette électronique défectueuse « vous lâchera bien avant », nuançait le spécialiste. Dix ans après, la vape n’a rien prouvé du potentiel dévastateur qu’on lui promettait. Reste à le démontrer désormais sur le long terme et l’expérience d’une vie. Pendant ce temps-là, le tabac continue de faire 75 000 morts en France chaque année (12).

La vape dix ans après : un bilan positif

La vape dix ans après, c’est un bilan globalement très positif. La cigarette électronique a prouvé sa capacité à œuvrer au sevrage tabagique, en permettant à des millions de personnes de décrocher. Elle a aussi démontré qu’elle n’était pas une porte d’entrée vers une nouvelle addiction, ni qu’elle menait vers le tabagisme. « À Paris, on constate qu’un jeune sur deux qui commence à fumer sera toujours fumeur un an après. Pour la cigarette électronique, on passe à un jeune sur six », précisait encore Bertrand Dautzenberg. Sur le moyen terme, vapoter ne semble poser aucun réel problème de santé. Tout cela participe à un marché en constante croissance, mais aussi à de nouvelles avancées, comme la « nicotine vapologique française » de la marque Vincent Dans les Vapes.

Avec des produits toujours plus contrôlés et de meilleure qualité, la vape a de beaux jours devant elle. Sans oublier les dires des spécialistes : « Essayer la vape quand on n’est pas fumeur ce n’est pas bien, mais essayer la cigarette c’est bien pire ».